
C’est parti ! Entrée en vigueur le 1er septembre 2025 du Décret n°2025-660 du 18 juillet 2025 portant réforme de l’instruction conventionnelle et recodification des modes amiables de résolution des différends.
AMSI vous emmène à la découverte de notre série de rentrée en plusieurs épisodes consacrés à la découverte des nouveautés concernant la médiation.
Episode 1
« Injonction à la conciliation ou à la médiation »
Le nouveau texte distingue dans 2 sous sections du Code de procédure civile (CPC) sous la section « modalités du recours à un conciliateur de justice ou à un médiateur » l’injonction à rencontrer le médiateur et la décision de recourir au médiateur. On remarque que cette section regroupe toujours l’injonction possible par le juge avec le choix pour la conciliation ou la médiation. Médiateur ou conciliateur, il faut choisir : si l’option appartient au juge, le professionnel ne peut pas porter les deux casquettes, la médiation étant menée par un médiateur « qui ne peut être un juge ou un conciliateur de justice » (art. 1530-2 al 1er).
Pour l’injonction à la médiation les magistrats ne viseront plus l’article 127-1 du CPC abrogé, mais les nouvelles dispositions aux articles1533 et suivants du CPC. L’article 1533 CPC ne reprend pas la précision que l’injonction à rencontrer le médiateur relève d’une « mesure d’administration judiciaire » mais on doute qu’il en soit autrement. La référence à ce statut est fixée sous l’article 1534-5 CPC : « La décision qui désigne le conciliateur de justice ou ordonne une médiation, ainsi que celle qui renouvelle ou met fin à la mesure constituent des mesures d’administration judiciaire ». Pour mémoire, aucune voie de recours n’est ouverte à son encontre (article 537 CPC).
Le juge conserve le pouvoir d’ordonner une rencontre avec le médiateur La pratique judiciaire était déjà connue mais le décret valide qu’il peut le faire à tout moment de l’instance – dès le début, pendant la mise en état, après la clôture des débats, après les plaidoiries, ou toujours en appel (article 913 CPC), le nouveau texte n’omettant pas de reprendre sous l’article 915-3 1° CPC le bénéfice de l’interruption des délais d’appel incident ou provoqué figurant précédemment sous l’article 910-2 CPC abrogé.
Désormais, une absence « sans motif légitime » à la réunion d’information peut coûter cher : le juge peut prononcer une amende civile allant jusqu’à 10 000 € (article 1533-3 CPC). Le juge appréciera ce qu’est un “motif légitime” : un empêchement d’ordre professionnel ou personnel serait imaginable, mais le texte ne renseigne pas sur le point de savoir s’il faudra en justifier mais les avocats seront avisés de solliciter une pièce de leur client à cet effet. En revanche, l’éloignement géographique semblerait ne pas constituer un motif suffisant, puisque la rencontre peut désormais se faire en visioconférence (art. 1533-2 CPC).
Ce « moyen de télécommunication audiovisuelle », dont la mise en œuvre est laissée à l’appréciation du médiateur s’il « l’estime nécessaire », semble exclure la rencontre par téléphone et vient entériner ce que de nombreux dispositifs d’ordonnance faisant injonction à rencontrer le médiateur prévoyaient déjà.
Le médiateur est-il autorisé à informer le magistrat des personnes absentes ne déférant pas à l’injonction de le rencontrer ? La réponse est oui !
La clarté du texte sur ce point est à souligner en ce qu’elle met en cohérence le caractère non confidentiel de la présence ou l’absence à la réunion d’injonction (article 1533-1 al.2 CPC) avec la potentielle amende civile pour la partie qui se refuse à donner suite à l’injonction (article 1533-3 CPC), mais surtout en ce qu’elle milite pour l’implication des parties dans la recherche d’une solution amiable, conformément à l’esprit d’ « empowerment » dont les médiateurs peuvent se faire ambassadeurs à l’occasion de cette réunion d’information.

Le décret donne une place aux avocats dès cette réunion information à la médiation, comme un encouragement à travailler ensemble dès le départ à la solution amiable du litige en les visant sous la catégorie de « toute personne ayant qualité pour [assister les parties ] devant la juridiction saisie » (article 1533 al.2 CPC), même si le texte prend le soin de rappeler qu’il s’agit d’une simple faculté, les parties pouvant choisir d’y venir seules.
La pratique judiciaire de l’ordonnance dite « 2 en 1 », faisant à la fois injonction à rencontrer le médiateur et désignant celui-ci, à supposer que les parties confirment leur accord pour entrer en médiation, est désormais envisagée sous l’alinéa 3 de l’article 1533 CPC. Le médiateur veillera à tracer ce recueil du consentement des parties via les avocats ou les parties elles-mêmes, puisqu’il devra informer le juge qu’il accepte alors la médiation (1543-3 CPC). L’article 1534-1 dernier alinéa prévoit utilement la caducité de l’ordonnance « 2 en 1 » si les parties n’ont pas consenti à entrer en médiation passé un mois « à compter de la décision ». Le médiateur a intérêt à rappeler aux parties ce délai bref, dont l’utilité le soulage d’autant des relances aux parties ou à leurs conseils lorsqu’elles tardaient trop à formuler leur réponse, jusque peu de temps avant la prochaine audience de mise en état.
Le texte reste muet sur l’interrogation bien connue des médiateurs judiciaires de savoir si le médiateur peut informer le magistrat de qui accepte ou refuse la médiation. On pourrait y voir que le texte valide en creux la pratique sécurisante, conforme au principe de liberté attaché à la médiation, selon laquelle les médiateurs informent seulement le magistrat que la médiation ne s’engage pas faute de consentement des parties à cet effet. Habilement, le texte allège les échanges greffe/médiateur tout en préservant le secret sur ce point, puisque la sanction de la caducité de l’ordonnance au-delà du délai d’un mois suivant la décision dispense même le médiateur d’avoir à transmettre cette information de ce que la médiation ne démarre pas, le silence gardé du médiateur se suffisant à lui-même et permettant la reprise de la mise en état. Le médiateur restera néanmoins vigilant à l’approche de l’expiration de ce délai d’un mois pour s’assurer d’avoir une réponse des parties ou de leurs avocats.
Enfin, bonne nouvelle : les échanges lors de la réunion d’information sont désormais confidentiels, au même titre que la médiation (art. 1528-3 CPC par renvoi de 1533 al.1 CPC) : « sauf accord contraire des parties, tout ce qui est dit, écrit ou fait au cours de (…) la médiation est confidentiel ». Nous reviendrons sur la confidentialité au cours de notre feuilleton mais on peut d’ores et déjà se féliciter de ce que le texte a couvert une « zone grise », en conférant un statut confidentiel aux échanges lors de cette réunion d’information, alors même que la médiation n’a pas démarré faute d’accord formulé de part et d’autre pour y entrer. La portée de cette confidentialité dès le début du processus est d’autant plus utile en configuration de réunions d’information séparées où les parties sont plus disertes et enclines à aborder leur problématique. De plus fort, cela permettra au médiateur d’insister sur le cadre sécurisant des premiers échanges lors de la réunion d’information, comme une promesse de ce que sera la médiation.
Prochain épisode : Quand la médiation judiciaire démarre !